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Publié le par Alluvions

30/10/2007 - TRO19622, une molécule innovante et une aventure mêlant partenaires associatifs et actionnaires privés

Soutenue par l’AFM depuis 2000, la société Trophos vient de lancer un essai de phase Ib de thérapie pharmacologique chez des malades affectés d’une amyotrophie spinale de type Ib, II ou III. Antoine Béret, directeur de Trophos, et Thierry Bordet, chef de projet pour ce projet, reviennent sur le potentiel de TRO19622, la molécule découverte et entièrement développée par la biotech marseillaise, et sur l’apport de l’AFM dans cette aventure.

AFM : En quoi consiste l’essai de TRO19622 chez des patients affectés d’une SMA ?
Thierry Bordet : Cette étude a pour objectif d’évaluer la tolérance et la pharmacocinétique de TRO19622 chez 10 patients âgés de 6 à 25 ans. Dans un premier temps, ceux-ci prendront une dose orale unique. Puis, si tout s’est bien passé, 15 jours après, ils prendront cette même dose quotidiennement pendant 10 jours. L’ensemble de l’essai sera mené à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches, à l’hôpital Roger Salengro de Lille et à l’hôpital de la Timone à Marseille (pour connaître les critères d'inclusion de l'essai et les coordonnées des différentes consultations pour y participer, cliquez ici).


AFM : Pourquoi avez-vous décidé de faire un essai qui n’impliquera pas de bénéfice direct pour les patients ?
T. B. : Cette étape est un passage obligé car TRO19622 est une molécule entièrement nouvelle que nous avons découverte et développée spécialement pour la sclérose latérale amyotrophique (SLA) et l’amyotrophie spinale (SMA). Or, pour l’instant, elle n’a été évaluée que chez des adultes volontaires sains et chez des adultes affectés par la SLA. En l’occurrence, la tolérance et la biodistribution sont bonnes, mais aucun enfant — sain ou malade — ne l’ayant encore prise, nous devons nous assurer que tout ira bien pour eux également. Ce n’est qu’après ces études que nous pourrons envisager d’évaluer son bénéfice éventuel.

AFM : A propos de bénéfice, quel est le potentiel de cette molécule ?
T. B. : D’une part, nous avons montré que TRO19622 permet la survie de motoneurones en culture et améliore les symptômes de souris modèles de la SLA en prolongeant leur survie et leur fonction motrice. Par ailleurs, cette molécule favorise la repousse des axones [les prolongements des motoneurones qui conduisent l’influx nerveux jusqu’aux muscles, ndlr.]. Cet effet a été observé sur des motoneurones en culture (1), mais aussi chez des souris dont le nerf sciatique avait été écrasé. En l’occurrence, après un traitement avec TRO19622, nous avons constaté une repousse des axones au-delà de l’écrasement. Ce potentiel est très intéressant dans la SMA car de plus en plus de recherches associent cette maladie à des problèmes au niveau des axones. Ainsi, nous avons montré que TRO19622 prolonge la survie de souris modèles de la SMA. En revanche, les effets potentiels de la molécule sur leur fonction motrice ne sont pas concluants sans doute car ce modèle est très sévère. C’est pourquoi, chez Trophos, nous développons un modèle présentant une survie plus longue qui sera plus adéquat pour évaluer l’efficacité des traitements.

AFM : Comment une société privée comme Trophos a-t-elle pu développer une molécule pour une maladie rare comme la SMA ?
Antoine Béret : Sans aucun doute, c’est grâce à l’AFM car sans son soutien financier conséquent depuis le début il n’y aurait eu aucun criblage de molécules destinées à cette pathologie. C’est d’ailleurs ce qui fait l’originalité de Trophos. En effet, en 2000, grâce à Christopher Henderson [co-fondateur de Trophos et actuel codirecteur du Motor Neuron Center de l’université de Columbia, ndlr.], nous avons réuni l’AFM qui souhaitait financer des recherches de criblage haut débit de molécules pour la SMA, et les actionnaires de Trophos qui eux souhaitaient investir dans des travaux portant sur la SLA. De fait, ce partenariat original — associatif et privé — a permis de partager la charge financière et d’amener ces recherches sur des maladies orphelines jusqu’aux essais cliniques.

AFM : Au-delà des aspects financiers, y a-t-il un autre intérêt à travailler avec des partenaires associatifs ?
A. B. : Bien sûr. Par exemple, grâce à son réseau de centres spécialisés, l’AFM nous a introduits auprès des cliniciens lorsqu’il a été question d’élaborer les essais cliniques. Plus largement, les associations sont une aide précieuse en France mais aussi en Europe. En effet, nous sommes conscients que quand nous voudrons lancer un essai à plus grande échelle avec TRO19622 dans la SMA, le recrutement de patients ne sera pas suffisant dans l’Hexagone. Nous devrons donc nous tourner vers l’Europe. De fait, nous avons déjà pris des contacts avec le réseau européen Treat-NMD.

AFM : Diriez-vous que le démarrage de cet essai est un succès pour Trophos et ses partenaires ?
A. B. : Il est indéniable que ce projet a été exceptionnellement rapide. En 2000, nous sommes partis de rien, nous n’avions même pas de laboratoires. Or, 4 ans après, nous commencions les essais chez les volontaires sains. Cependant, il faut aussi reconnaître que nous devons toujours communiquer notre enthousiasme aux actionnaires car, en matière de drug dicovery [découverte de médicaments, ndlr.], les investisseurs prennent un risque à long terme, contrairement à d’autres domaines où le retour sur investissement est bien plus rapide. D’ailleurs, je pense que si l’AFM ne couvrait pas la moitié de ce risque, les investisseurs ne suivraient pas dans de tels projets. En conclusion, cet essai est un succès mais il ne faut pas oublier qu’il faudra encore du souffle et de l’opiniâtreté pour aller jusqu’au médicament.

Propos recueillis par Françoise Dupuy Maury

(1) Identification and characterization of cholest-4-en-3-one, oxime (TRO19622), a novel drug candidate for amyotrophic lateral sclerosis, The Journal of pharmacology and experimental therapeutics, août 2007, vol.322, pp.709-20

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